mercredi 30 mars 2011

Sous les pieds

On dit que le sang, au rythme battu par le cœur, apporte l'oxygène aux organes et élimine leurs déchets. La remontée du sang vers le cœur est impulsée par la compression du système veineux plantaire, accompagnée de la contraction des muscles du mollet, puis des mouvements de la cavité abdominale.
Je crois qu'il existe de la même façon une grande circulation de l'esprit. Son cœur est à l'étroit, là-haut dans le crane ; les yeux, la bouche, les oreilles et la peau le nourrissent, et la pensée a tôt fait de se vicier de ses propres déchets.
« La marche permet d'entrer consciemment dans la relation dynamique que représente le monde », a dit Yvan Amar. Et pour moi, l'intellect est un obstacle à l'appartenance au monde, en ce qu'il éloigne de la perception directe, et en soustrait la vérité par les déformations de l'analyse. Il assemble le labyrinthe fait d'égocentrisme, d'artificialité et de complexité qui nous isole.
Alors c'est comme si tout était aussi lié à la compression de la voûte plantaire : la pompe est réamorcée, et en même temps que l'air transmet par tous les sens fraîcheur et oxygène, l'approfondissement de la respiration évacue les sombres toxines qui obstruaient l'organisme.
La foulée s'allonge, le souffle s'amplifie – la pensée s'allège, l'esprit s'éclaircit.
Parfois la bouffée d'air d'une promenade suffit, mais souvent c'est une vraie ascension transpirante qui seule permet le décrassage de ma tête... Lorsque le physique approche de ses limites, le mental se déconnecte: le cerveau est dans les jambes et au bout des orteils, les sens s’exaltent et l'émotion prend les commandes.

14 commentaires:

  1. Hé hé, je peux me targuer d'être dans le top 3 des premiers visualistaeurs de ce message ! Et tant pis s'ils sont neuf dedans...

    Bon alors, bien que la journée ait été fatiguante pour moi, je vais m'efforcer de remplir ma fonction officielle : pinailleuse professionnelle !
    Donc je me permets de remarquer que
    - soit faire des vidéos entre dans tes fonctions vitales après l'irrigation cardio-vasculaire de tes orteils.
    - soit ta déconnection mentale est partielle, il faudra penser à vérifier certains branchements, attention notemment aux prises jacks qui grésillent et brouillent les ondes et à la mise en veille automatique qui marche une fois sur deux.
    - soit tu es un menteur ou un omissionneur et... t'exagère ! t'aurais pu nous dire que la vidéo et le texte sont deux pièces de choix à savourer séparément ! Non mais, c'est comme mélanger le roquefort avec le chocolat, ça ne se fait pas !

    pinailleuse professionnelle... ça sonne bien, j'aurais dû le mettre dans mon dossier d'orientation. Après sainte, bien sûr. Mais sainte, ça rapporte peu, c'est juste pour arrondir mes fins de mois. Je ferais donc un Master Pinaillerie.

    Ugh ! J'ai parlé !

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  2. Chère - car il faut bien me rendre à l'évidence, de par les photos qui me sont parvenues et la ténacité de ta verve contestataire - jeune fille,
    Apportons donc les précisions didactiques dont j'avais imaginé pouvoir me passer.

    En tout premier lieu il me semble nécessaire de souligner le fait que le texte et la vidéo ne sont d'aucune façon mélangés: la séparation est large et nette - comme celle qui éloignerait le fromage du dessert.

    Il me faut ensuite rappeler que le paradigme qui guide mes divagations est le suivant: toute expression est déformation - par imperfection, imprécision, omission ou mensonge. "La parole a été donnée à l'homme pour lui permettre de masquer sa pensée" dit José Saramago...
    Ajoutons à cela le fait que l'on soit tout sauf quelque chose de stable, uni et permanent, mais que, porteurs de vie, nous soyons à son image volatiles, accidentels, forcés à évoluer au hasard des expériences, exposés sans protection à un bouleversement radical, invisible, imprévisible, qui d'une seconde à l'autre peut nous propulser au-delà de nos facultés d'appréhension, et faire de soi un autre, de sorte que le "je" qui parle à l'instant présent est déjà loin de celui qui exprimait son paradigme fondamental, et n'en reconnaît ainsi peut-être plus sa pertinence. Et ce simple mot, sans aucune volonté perverse de son auteur, et dès lors qu'il a dépassé la frontière de ses lèvres, où peut-être même plusieurs fractions de secondes auparavant, quelque part aux portes du cerveau, ne définit donc déjà plus l'entité que ses douces courbes étaient sensées représenter. Tout ça en deux lettres bouclées uniquement, imaginons donc à quelles délirantes expansions fractales on s'expose face à une circonlocution amphigourique un brin sophistiquée...
    Mentionnons également, une fois la pensée émise tant bien que mal (et on l'a vu plus souvent mal que bien), les complexifications ressortant du récepteur, qui par son propre système d'interprétation va brutaliser, fragiliser, dénaturer ces valises en tentant de les ouvrir pour en apercevoir le contenu, ou parfois-même y placer ce qu'il pense qu'elles sont supposées contenir... Et c'est une difficulté qui, bien que culminant et produisant ses effets les plus dramatiques au sein de l'entité d'intime complicité à intensité variable qu'est le couple, fait en réalité obstacle à toute relation ou interaction entre individus réflexifs, porteurs de deux visions du monde, et donc de deux mondes, différents, et souvent bien qu'innocemment d'un soupçon de volonté impérialiste et dominatrice.

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  3. Dès lors ce que j'exprime, en tant que système théorique construit sur la base d'une perception et une interprétation particulière de la réalité, est nécessairement imprécis, incomplet, voire même complètement faux. Et en effet, cette personne-mosaïque de l'instant que je mentionnais est incapable d'être absolument entière dans une seule action - le monisme, comme tout fondamentalisme, est nécessairement fictif: le cœur bat tandis que les poumons respire, les yeux voient pendant que les oreilles écoutent, mon mental "réflexif" est désactivé mais des mots-bulles continuent à pétiller dans ma tête en un enchaînement incontrôlé, sweat, chaleur, beauté, présence, amour, attention, exposition, douleur, joie, présent, instant... Plop, plop, plop. Et quelques pensées simplifiées à leur expression la plus minimaliste, aussi.
    Voir entre dans mes fonctions vitales, regarder fait partie de mes premiers plaisir (prenant garde à m'isoler de toute source d'interférence de façon à être le plus entièrement possible au service de l’instant, infusé ici et maintenant), partager est une attention dont je sais qu'elle ajoutera au souvenir de la douceur du moment une saveur particulière, mais on est déjà dans de une réflexion au second degré, à anticiper les conséquences prévisibles d'une action préméditée.
    Le reste n'est qu'un enchaînement technique dont la narration ôterait au texte une partie de sa légèreté et de sa poésie…

    Terminons par l'intuition que la pensée naît de l'expérience sensorielle et émotionnelle, et qu'ainsi je présente l'un des instants en lesquels ma réflexion a puisé ses nutriments...

    Ai-je répondu?

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  4. (Si tu te fais une petite réputation et une fontaine, sainte ça peut gagner un peu je pense...)

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  5. Mais trêve de subtilités, il me faut prendre le risque de choquer le lectorat et ma délicate petite sœur pour m'exhiber dans ma complexe vérité...
    Je me disais que ces derniers temps, j'avais là pinailleur...

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  6. Je trouve que ce que tu dis est un peu trop vrai pour que je puisse pinailler, je me suis attaquée à un trop gros morceau...

    C'est vrai que la pensée est plus rapide que la parole, et éphémère comme le battement d'ailes d'une hirondelle. Si on dit "seuls les imbéciles ne changent pas d'avis", je vais plus loin : la pensée étant plus paradoxale que passive, plus vive que douce, plus imprévisible que le futur, il est force de constater que seuls les êtres n'osant pas s'élancer d'eux mêmes dans le grand vide inter-sidéral de la circonvolution intérieure ne changent pas d'avis; ils prélèvent leurs opinions l'écriture d'un autre, qui fige le mouvement de l'hirondelle dans une position vite grotesque. Que fait alors l'hirondelle ? Elle chute. Et le squatteur de pensée se fait passer pour un idiot...
    Peut-on dissocier la pensée changeante, qui trouve sa beauté dans son constant changement et sa grâce dans le ballet unique de l'instant, et une pensée plus universelle qui ne change pas mais se module délicatement d'un individu et forme une trame ? Ces vérités constantes seraient un courant d'air, pouvant soutenir l'hirondelle ou la déstabiliser, sublimer sa beauté et son éclat ou la faire chuter comme une pierre, brisant son fragile équilibre.

    J'attends ton avis. Ma théorie est-elle comme le battement d'une aile ou prend-elle sa source dans le chuchotement de l'air guidant mon ballet permanent intérieur ?

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  7. Doit-on considérer que l'écriture est une aberration ? Je ne pense pas. Au contraire, celui qui sait manipuler les mots avec adresse saura les ciseler pour que leur immobilité suggère le mouvement, pour qu'on voit leur grâce éternellement. Je pense que le ressenti d'un être humain ne suit pas la même logique que celle de l'écriture. Si leur substance est la même et nait de notre petite cervelle, l'une est l'adage et l'autre l'allegro. Danser un adage rapidement est fastidieux et manque d'intérêt, l'adage demande une parfaite maîtrise de ses gestes et se don équilibre (ainsi que l'écrivain doit parfaitement maîtriser ses mots et ses paroles) Pour danser une danse "rapide" à la base, il faut la modifier, la moduler, pour que ses pics et ses sauts d'humeur si charmants dans la tête laissent place à une plus grande harmonie, que leur saveur soit plus logique et plus facile à "suivre" mais ne se glissent pas dans une monotonie qui serait un véritable gâchis.

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  8. Je crois que dans ce que tu désignes par pensée il y a deux choses à distinguer: une pensée libre, virevoltante, dansante, primaire, et une pensée "réflexive", construite, organisant et systématisant notre vision du monde.
    La première est intrinsèquement éphémère et pétillante, la seconde se doit d'être solide, cohérente, et utilitariste. L'enjeu est de garder la force de la structure sans laisser la rigidité enfermer la réflexion, et pour cela l'échange est essentiel: en se plongeant dans le système réflexif d'un autre on découvre une vision et une organisation du monde tout à fait différente, qui permettra d'enrichir et de faire évoluer sa propre conception. Équilibre entre confiance en soi et ouverture à l'extériorité, délicat à trouver...
    L'écriture, par nature, est limitée, compromise, figée, connotée. Le défi est en effet de faire danser les mots, en tenant compte de toutes leurs limites, de façon à ce qu'ils matérialisent le plus joliment possible l'éther des pensées, de sourire un instant de la satisfaction de les avoir lancés tourbillonnants, et de leur laisser leur liberté - rêvant secrètement que quelqu'un y trouve, aussi lointain que cela soit des sentiments qui leur ont donné naissance, de quoi nourrir sa pensée, de la même façon que je me suis délecté des kilomètres de mots soufflés dans mes oreilles par d'autres imaginations...
    Tellement éloignée de mes capacités, j'ai aussi une grande admiration pour les capacités d'improvisation...

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  9. Parfois aussi, je marche des heures avec une seule chanson en boucle dans ma tête...

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  10. Oui ! et le pire, c'est quand ladite chanson est une des comptines d'Héloïse, genre "petit ours brun". Dans ce cas, on ne peut pas dire que l'esprit est éclairci mais simplifié à l'extrême, étriqué mais cependant épanoui dans les notes naïves "il aime bien son papa, sa maman aussi..."

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  11. Bande de grands malades, vous devriez prendre l'air plus souvent !

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  12. Ouais ben pas sûr... J'ai tenté hier, je me suis retrouvé avec une fille à filles chébran d'Oslo-ouest, ça s'est fini après une petite terreur et le pantalon le plus cher de l'histoire du Thomas ruiné... Je crois que je vais me remettre à réfléchir, et puis sortir que tout seul.

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  13. Enfoiré de censeur, mon commentaire !

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  14. Même pas en rêve. Vas poster ça sur tes forums d'Eminem.

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