mardi 24 août 2010

La face cachée


Jeudi soir, seconde tentative pour retrouver l'ancre: Christian m'accompagne à l'île de Gerdøya où, grâce aux indications des perdeurs - et à un peu de chance (l'eau est bien trouble, et de grandes algues recouvrent le sol), l'ancre est récupérée par 4 mètres de fond après une brève plongée. Profitant des conditions tropicales, nous mettons le cap sur l'ilot de Jutta, près duquel trône cet iceberg nonchalant: 4 mètres au-dessus de la surface, et l'air relativement stable.
La visibilité est limitée: les glaciers drainent toujours beaucoup de sédiments dans le fjord... A deux mètres j'arrive à savoir s'il y a quelque chose devant moi – ça fait comme une masse blanchâtre diffuse au lieu du vide marron. Je me limite à 10 mètres, mais ça plonge bien plus... Le tour est un véritable labyrinthe: des failles, des arches, des murs de glace soudain devant, derrière, dessus et dessous. Tout concours à désorienter: des chapelets de bulles arrivent d'en-bas, la fine terre rouge est tantôt déposée sur les petits replats – s'envolant en un tourbillon ocre à la moindre turbulence – tantôt figée derrière quelques millimètres de glace cristalline, tout bouge et s'exprime bruyamment. Et c'est sûrement le plus impressionnant: des gargouillements, des clapotis, des pétillements, le bruit de la rivière qui chante sur les galets dont je n'arrive pas à rattraper le nom (une récompense à qui trouve avant moi), et surtout ça claque avec une puissance surprenante – j'en sens parfois la pulsation dans ma main caressant l'invisible épiderme ondoyant.
Sensations exacerbées par la plongée seul, qui me rappelle à la conscience de ma petitesse/de l'immensité du monde, et qui oblige à rester ancré à l'intérieur de soi, attentivement à l'écoute de la petite voix.
Quand l'inflateur de la stab' devient difficile à saisir de mes doigts engourdis, je termine mon vol et remonte vers le monde lourd.

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